Inès de Portugal – 1985

d’Alejandro Casona  |  Mise en scène : Philippe Grand

La compagnie Des Deux Masques joue « INES »
La pièce débute dans une petite ville portugaise où l’on prépare le mariage entre Don Pedro (François Rossel) et Constanza, infante d’Espagne (Catherine Cottier). Cette dernière, à peine arrivée au Portugal, ne tarde pas à apprendre que Pedro est épris d’une autre femme : Inès, une Portugaise sans titre de noblesse (excellente Christine Emery). Les choses auraient pu en rester là si le père de Pedro, le roi Don Alfonso (Claude Luginbuhl) n’avait exigé que ce mariage soit béni et que Constanza œuvrât dans le même sens. L’infante rencontre Inès et les deux femmes ont une âpre discussion. Arrive alors le roi puis Pedro qui avoue à son père qu’il est marié à Inès, depuis sept ans…

La Compagnie des Deux Masques rend avec force le tragique de cette pièce, mêlant avec habileté l’authenticité historique des costumes et la modernité des décors (Paul Brunner, Béatrice Lipp, Pricilla Schmid). Quant à la mise en scène de Philippe Grand, elle est vivace et animée. La musique accompagnant le spectacle (sous la responsabilité d’Anne Terraz) est exécutée en partie avec des instruments anciens. Elle précise, toute en nuances, le climat dramatique de cette lutte à la fois sentimentale et politique.

Avec le désir de prouver que, dans la périphérie lausannoise, il y a encore place pour un théâtre authentique – et que celui-ci ne reste pas l’exclusif privilège de la ville – la Compagnie des Deux Masques réalise là un projet ambitieux.
P.G. – « Journal de l’Ouest »

Réussite pour 30 amateurs ambitieux
A l’enseigne de la Compagnie des Deux Masques, une trentaine d’amateurs montent chaque printemps sur les planches à Cheseaux. Mais attention ! Les représentations qu’ils donnent ne doivent rien aux classiques pièces de boulevard qui, dans les villages, closent traditionnellement le concert annuel des sociétés de chant ou de musique. Du tout ! Les comédiens emmenés par Philippe Grand formulent tous des exigences de qualité. Robert Merle, René de Obaldia, Max Frisch, Miguel de Cervantès : leur répertoire s’écarte résolument des amusettes faciles pour public débonnaire.
C’est parce qu’on ne frappait plus les trois coups dans son village que l’instituteur Philippe Grand envisagea de fonder une troupe en 1981. D’emblée, une quinzaine d’intéressés et d’intéressées s’annoncèrent partants. Des gens de la bourgade, pour la plupart, prêts à consacrer quelques heures de leurs loisirs à l’ apprentissage du jeu de scène.
Fort de cet engouement, le responsable de l’équipe en profita pour placer très vite la barre à la hauteur des ambitions exprimées. On jouerait pour commencer « La belle au Bois », de Jules Supervielle. Soit une pièce qui n’a que peu à voir avec les divertissements cousus de gros fil. Par bonheur, les Gremeaux (habitants de Cheseaux) accoururent en masse et saluèrent sans réserve cette première tentative.
De la même manière, les interprètes se serrèrent les coudes en 1983 et 1984, tandis que le mois passé, près de 1000 personnes vinrent applaudir aux trois représentations d’ »Inès », fruit de l’effort collectif de 35 passionnés. Pour une commune de 2500 habitants, le résultat relève de l’exploit.
Il faut dès lors en convenir : en dépit des préjugés, une petite localité périphérique recèle suffisamment d’esprits curieux pour soutenir une entreprise artistique fuyant la facilité et la démagogie. Mieux encore : alors que les activités culturelles semblaient inéluctablement confinées dans la capitale toute proche, voila soudain une démarche qui mobilise les gens là où on ne l’attendait pas. « Personne ne parle vraiment ici de cité-dortoir, explique Philippe Grand. Mais, du fait de la forte expansion du village, ce risque ne peut être exclu. A cet égard déjà, nous sommes heureux d’être parvenus à susciter un événement d’essence locale.  » A la vérité, la Compagnie des Deux Masques a quand même tôt fait d’essaimer à la ronde. D’une part, la liste de ses membres s’est étoffée à tel point qu’il devient parfois difficile d’attribuer un rôle à chacun. D’autre part, une petite enquête a révélé qu’une proportion appréciable de spectateurs provenaient de l’extérieur.
Inutile de préciser que, de tous les engagés, aucun ne songe à baisser les bras en si bon chemin. La troupe dispose aujourd’hui d’une installation d’éclairage complémentaire, de décors et de costumes. Charge à ceux qui ne figurent pas dans la distribution de telle ou telle affiche de gérer ces équipements, au titre d’éclairagiste, de régisseur ou d’accessoiriste, puisque tous les participants sont systématiquement mis à contribution. « Le parcours est d’autant plus exaltant qu’il offre à chacun la possibilité de s’initier à toutes les facettes du métier », commente Philippe Grand. Il est vrai que pour mener l’équipage à bon port, le capitaine tire habilement parti d’une expérience de plusieurs années acquise dans le cadre du Théâtre à L’Eglise.
« Notre grand privilège s’appelle disponibilité, reprend le metteur en scène. La fidélité ainsi que l’assiduité des uns et des autres constituent une marque d’encouragement certaine. Si, à l’automne, les répétitions n’ont lieu qu’une fois par semaine, elles se doublent par la suite de week-ends de travail, pour se terminer au rythme de séances quotidiennes durant la semaine qui précède la première. Il reste que, excepté l’effervescence des ultimes moments, nous savons prendre notre temps pour choisir 1’œuvre la plus adéquate, la monter en évitant les bousculades et, finalement, la jouer avec un maximum de sérénité. »
Cet été, pour la première fois, les comédiens quitteront leurs tréteaux de la périphérie lausannoise pour se produire en France, à Aubignan, ville avec laquelle est jumelée la commune de Cheseaux. Les autorités du village se montrent ravies de pouvoir déléguer dans le Midi des ambassadeurs aussi convaincants.                                                                Joël Guillet – « Lausanne-Cités », 11 avril 1985

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